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Les médias, le quatrième pouvoir : origine et signification

On ne naît pas quatrième pouvoir, on le devient. Avant même que l’expression ne s’impose, la presse agace, inquiète, dérange les puissants, et cela ne date pas d’hier.

En 1787, lors de la rédaction de la Constitution américaine, le terme de « quatrième pouvoir » n’existait pas encore, mais la presse attirait déjà la méfiance des politiques. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, adoptée en France deux ans plus tard, érige la liberté d’expression en principe fondamental, tout en laissant place à une surveillance étroite des publications.

Ce n’est qu’au XIXe siècle que le pouvoir médiatique sera reconnu comme une force propre, à part entière, alors que les journaux prennent leur place dans le débat public et se révèlent capables de contester, voire d’influencer, les choix des dirigeants. Depuis, ce rôle n’a cessé de susciter passions, critiques et controverses.

Les médias, une force essentielle au sein de la démocratie

La presse ne fait pas que transmettre des faits. Elle s’empare d’une mission singulière : exercer un pouvoir distinct des trois identifiés par Montesquieu, législatif, exécutif, judiciaire. Ce quatrième pouvoir se manifeste dans le travail des journalistes, qui assurent la diffusion d’une information plurielle et accessible. Jour après jour, le journalisme agit en garde-fou, épingle les abus, protège le droit de chacun à être informé. La Constitution française inscrit ce principe dans le marbre, en faisant un socle de la démocratie.

Alexis de Tocqueville, observateur toujours lucide de la démocratie américaine naissante, souligne le rôle des médias pour éclairer les débats, rassembler les opinions, maintenir le pluralisme politique. En Grande-Bretagne, Edmund Burke désigne la presse comme un acteur clé de la vie civique. Ce pouvoir, loin d’être théorique, s’exerce chaque jour : enquêtes minutieuses, vérifications rigoureuses, protection des sources au sein des rédactions françaises.

Voici comment ce statut se traduit concrètement :

  • La presse occupe la place de 4e pouvoir aux côtés des institutions établies.
  • Les journalistes défendent la liberté de l’information, garantie par la Constitution.
  • Le pouvoir médiatique s’impose comme un rouage central du fonctionnement démocratique.

Classée 24e au rang mondial de la liberté de la presse par Reporters sans frontières, la France doit rester vigilante : l’indépendance des médias est toujours à défendre. Le quatrième pouvoir engage une obligation : questionner, déranger parfois, toujours au service de la société.

En quoi la presse agit-elle concrètement comme contre-pouvoir ?

La presse fait office de vigie, mettant en lumière ce que l’État cherche à garder dans l’ombre. Par leurs investigations, les journalistes révèlent des vérités que le pouvoir préférerait garder secrètes. On l’a vu : Médiapart a exposé l’affaire de chantage à la sextape à la mairie de Saint-Étienne ; le Canard enchaîné a mis au jour les violences conjugales d’Adrien Quatennens, ou encore les liens entre Emmanuel Macron et McKinsey. Dérangeant, ce travail d’enquête est la raison d’être du contre-pouvoir.

Mais la mission ne s’arrête pas là. Protéger l’identité des sources permet de faire circuler des informations d’intérêt public, souvent sensibles. Cette garantie, inscrite dans la loi, est pourtant mise à mal. L’affaire Ariane Lavrilleux, cette journaliste placée en garde à vue après avoir révélé des informations sur l’État français en Égypte, en dit long sur la tension entre secret d’État et droit de savoir. RSF alerte aussi sur la hausse des violences policières qui visent les journalistes, signe d’une méfiance grandissante envers la liberté d’informer.

Ce rôle de contrôle s’étend au champ politique, judiciaire, économique. Loin de se contenter d’informer, la presse confronte, interroge, expose les conflits d’intérêts. Face à l’ensemble des pouvoirs, le journalisme demeure une ligne de défense, un rempart. La séparation des pouvoirs, chère à Montesquieu, se prolonge ici, dans la réalité du quotidien.

Jeune femme avec journal et smartphone devant un bâtiment officiel

Défis, dérives et limites : jusqu’où va le pouvoir des médias aujourd’hui ?

La concentration des médias redessine aujourd’hui le paysage français. Quelques billionnaires contrôlent la majorité de la presse quotidienne généraliste, ce qui fragilise le pluralisme et pèse sur l’indépendance de l’information. Le groupe Bolloré, par exemple, multiplie les rachats et n’hésite pas à poursuivre en diffamation journalistes et ONG, cherchant à peser jusque dans la ligne éditoriale.

Le numérique ajoute sa dose de complexité. Sur X (ex-Twitter), la vitesse de propagation des fausses informations dépasse de loin celle des contenus vérifiés : la désinformation de masse s’installe, mettant à mal la capacité du journalisme à tenir son rôle de contre-pouvoir face aux manipulations.

Les pressions politiques et violences policières signalées par Reporters sans frontières se multiplient également. Journalistes intimidés, attaques contre le secret des sources, recours à des procédures-bâillons pour les réduire au silence. Face à ces menaces, l’Union européenne a adopté une directive visant à contrer ces procédures, une tentative de sauvegarder l’espace de liberté nécessaire au débat public.

La vigilance reste de mise. Le pouvoir médiatique ne se joue plus seulement dans les rédactions : il se déplace aussi devant les juges, sur les plateformes, dans la rue, jusque dans des rédactions fragilisées par la concentration et la précarité. La partie ne fait que commencer.